Boissons, chocolat, bonbons, de plus en plus de produits «naturels» contenant de la stévia arrivent sur le marché, à l’instar de la déclinaison «Life» du produit phare de Coca-Cola. Les extraits de cette plante originaire d’Amérique du Sud ont un pouvoir édulcorant jusqu’à 300 fois supérieur à celui du sucre et ne causent ni diabète ni caries. Une plante «miracle» au pouvoir naturellement sucrant utilisée par les Guaranis depuis des siècles qui conquiert le marché comme une alternative saine au sucre. Cela ressemble à s’y méprendre à un conte de fées moderne! Mais qu’en est-il vraiment?
Le rapport «Stévia,une douceur au goût amer» publié en novembre 2015 par Public Eye (anciennement Déclaration de Berne) dénonce la face cachée du boom des édulcorants dérivés de la stévia: la commercialisation du glycoside de stéviol, la molécule produite à partir des feuilles de la plante, est un cas flagrant de biopiraterie.
Les Guaranis – Pai Tavytera du Paraguay et Kaiowa du Brésil – connaissent la stévia depuis plus de 1'500 ans. Ils l’appellent «Ka’a he’ê», «l’herbe sucrée», et l’utilisent pour adoucir leur maté, mais également comme plante médicinale et dans leurs cérémonies sacrées. Sans leur savoir ancestral, les édulcorants dérivés de la stévia n’auraient jamais été commercialisés. Ils devraient donc avoir droit au partage juste et équitable des bénéfices découlant de l’utilisation des vertus de «leur» plante.
Or, contrairement à ce que prévoit la Convention sur la diversité biologique et le Protocole de Nagoya, les peuples guaranis du Paraguay et du Brésil n’ont pas été consultés et n’ont reçu aucune compensation pour l’utilisation, à des fins commerciales, de leur savoir traditionnel. Alors que l’industrie agroalimentaire fait des affaires juteuses grâce à ce marché en plein essor, les Guaranis ne cessent de s’appauvrir et sont chassés de leurs terres.
Les Pai Tavytera du Paraguay et les Kaiowa du Brésil entretiennent de nombreux liens familiaux, mais séparés par la frontière, ils n’ont pas pour habitude de mener des actions politiques conjointes. En août 2016, ils se sont pourtant réunis pour définir ensemble comment faire valoir leur droit: le partage juste et équitable des bénéfices découlant de l’utilisation de leurs savoirs associés à la stévia.
Déterminés, les Guaranis refusent d’accepter plus longtemps que Coca-Cola, PepsiCo, Cargill ou Nestlé tirent profit de «leur» plante, alors qu’eux-mêmes ne cessent de s’appauvrir et sont chassés de leurs terres. En tant que détenteurs du savoir traditionnel associé à la stévia, ils veulent négocier un accord de partage des bénéfices avec ces sociétés.
L’accès à la terre comme enjeu central
En vertu de la Convention sur la diversité et du Protocole de Nagoya, les Guaranis auraient dû donner leur accord pour l’utilisation de la stévia à des fins commerciales. Ils savent qu’il est trop tard pour empêcher les géants de l’agroalimentaire d’utiliser la stévia et leurs savoirs. Ils entendent donc obtenir au moins une compensation. C’est l’accès à la terre qui est au centre de toutes leurs préoccupations. Leur espoir: que les retombées d’un éventuel accord leur permettent de récupérer une partie de leurs terres ancestrales et de reconstituer le territoire de la stévia.
La déclaration des Guaranis
En clôture de l’assemblée exceptionnelle d’août 2016, les représentants guaranis réunis au Paraguay ont adopté une déclaration commune pour défendre leurs droits.
La déclaration des Guaranis exige «le respect de [leur] territoire, de [leur] vision du monde, de [leur] culture et de [leur] souveraineté» et «un partage juste et équitable des bénéfices découlant de l’utilisation de [leurs] savoirs associés à la stévia». Pour assurer le suivi de leurs revendications, les leaders Pai Tavytera et Kaiowa présents décident également de former une assemblée permanente.
Les Guaranis face aux géants de l’industrie
Le chemin est encore long, mais les Guaranis viennent de franchir une étape décisive en revendiquant leurs droits et en commençant à s’organiser pour les faire valoir. L’objectif est de pouvoir entamer, dans le courant de l’année 2017, des négociations à proprement parler avec les entreprises.
Dès la publication du rapport «Stévia: une douceur au goût amer» en novembre 2015, Public Eye a engagé des discussions avec les principaux producteurs et utilisateurs d’édulcorants dérivés de la stévia, notamment au sujet d’un éventuel partage des bénéfices avec les Guaranis.
Les premiers résultats sont encourageants. Bien que certaines sociétés comme Unilever, Ricola, PepsiCo ou encore le géant Coca-Cola n'aient pas répondu ou aient refusé d'entrer en matière, d’autres entreprises sont désormais prêtes à entamer des négociations en vue d’un accord, dans l’esprit de la Convention sur la diversité biologique et du Protocole de Nagoya. L’entreprise bâloise Evolva, Migros et Nestlé ont déclaré soutenir le principe de partage des bénéfices avec les peuples autochtones et les pays d’origine.
Notre rapport de suivi, publié en novembre 2016, présente les résultats de nos discussions avec les firmes, ainsi que les principaux développements de ce dossier depuis notre première publication en 2015.
Au niveau international, des discussions sont encore en cours avec quelques-uns des principaux producteurs et utilisateurs des glycosides de stéviol. Vous pouvez vous aussi soutenir les revendications des Guaranis et nous aider à maintenir la pression...
Signez la pétition!
La stévia représente un marché très lucratif pour les géants de l'industrie agroalimentaire. Mais pour les Guaranis, «l’herbe sucrée» a désormais un arrière-goût amer. Alors que leur savoir traditionnel est à la base de la commercialisation des édulcorants dérivés de la stévia, ils ne reçoivent pas un seul centime.
En partenariat avec SumOfUs, nous lançons une pétition afin d'exiger du géant américain Coca-Cola qu'il mette un terme à ses pratiques de biopiraterie et négocie avec les Guaranis un accord de partage équitable des bénéfices.
Public Eye (anciennement Déclaration de Berne) porte un regard critique sur les injustices dont sont victimes les populations défavorisées. En dénonçant la face cachée du boom de la stévia et en stimulant le dialogue entre l’industrie et les peuples autochtones, Public Eye s’engage pour que les droits des Guaranis soient reconnus et respectés. Pour connaître la suite de l’histoire, suivez-nous sur Twitter et Facebook ou abonnez-vous à notre newsletter.
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